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 poison paradise. (nellister)

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Message# Sujet: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyVen 3 Jan 2020 - 10:05

poison paradise.



Réveillon de Noël, une maison isolée des hameaux de la grande Roseraie.
Huit heures, avait dit sa mère. Alister est presque en avance, fait suffisamment exceptionnel pour être relevé, il a donc pris le temps de marcher depuis la chaumière de Selma jusqu’à la maison de sa mère, comme pour se préparer psychologiquement à l’épreuve terrible du réveillon de Noël. Sept ans qu’il ne l’a pas fêté en famille, et avant ça, ses souvenirs sont flous. Il se rappelle du dernier simplement parce qu’il avait fait la connaissance de son premier neveu, Anton – qui a bien grandi depuis et est prêt à provoquer une catastrophe sur le mini-balai qu’il chevauche gaiement à l’intérieur de la maison, les joues cramoisies, transpirant déjà dans son pull de Noël clignotant à tout va – et il a perdu le décompte depuis. Il y a eu Mia quelques années après et puis le petit dernier, Collin, 2 ans, qui préfère courir que marcher et trébuche tous les trois mètres dans l’indifférence générale. La maison de Moira est un champ de bataille mais elle accueille son fils comme si cette fourmilière était son plus grand bonheur. « Oh, Darling, Joyeux Noël, je suis tellement heureuse que tu sois là. » lui déclare-t-elle avec sa grandiloquence habituelle. La maison a été légèrement agrandie pour l’occasion afin que la table trônant au milieu de la pièce puisse être rallongée et que l’énorme sapin coincé entre la cheminée et la baie vitrée touche seulement de quelques millimètres le plafond, le tout bien calculé pour que les enfants puissent continuer à courir de partout sans rien casser. Une délicieuse odeur de pain d’épices embaume toute la pièce en provenance de la cuisine, où il croit apercevoir sa sœur se débattant avec une armée de chaudrons. « Les cadeaux dans la chambres, my dear, on fera la surprise aux enfants demain. » Il fait un crochet rapide par la chambre de sa mère pour déposer son manteau, se rappelant avec horreur qu’il a laissé sa sœur s’occuper de tous les cadeaux et qu’il s’est donc pointé les poches vides. Bon. Il improvisera. Sa mère les a déjà tous forcés à mettre leurs pulls de Noël, c’est un cadeau en soi (Selma en cardigan gris avec des lignes et des lignes d’elfes, de lutins, de sapins, de gâteaux et de flocons de neige, Alister en sweat à capuche bleu nuit avec des niffleurs affublés de bonnets de Noël, tous les enfants habillés en pull-guirlandes multicolores et Francesco sûrement en simple chemise, dégainant le prétexte que ce mix de coton et de laine lui a toujours donné des allergies). « Enfin ! On t’attend depuis des heures, tu étais passé où ?! » De retour dans la salle à manger, Selma le serre brièvement dans ses bras, avec un seul bras d’ailleurs, l’autre étant trop occupé à agiter sa baguette magique pour que les préparatifs culinaires continuent malgré cette interruption. « Je travaillais, j’avais prévenu Ma’… ? » Son excuse est coupée par la main impatiente de sa sœur, et tant mieux, car techniquement il a quitté le boulot il y a environ cinq heures et n’a aucun autre argument que la seule flemme de venir cuisiner un festin dont il restera les trois quarts à la fin de la soirée (mea culpa, personne ne le saura jamais). « Ok, ok, va me chercher des racines d’asphodèle et de la citronnelle, tu veux bien ? On est vraiment en retard. » Demi-tour, Alister se prépare à sortir dans le jardin, compte machinalement le nombre d’assiettes mises sur table lorsqu’il passe devant et s’arrête. Trois assiettes de trop ? Il se demande un instant si les défunts ont aussi leur place à table, auquel cas il se peut que le père, la tante et l’arrière-grand-mère soient aussi de la partie. « Ma’ ? Tu as invité qui, encore ? » Et pourquoi faut-il qu’elle utilise toutes les occasions, même Noël – la fête de famille par excellence ! – pour inviter de parfaits inconnus à manger à leur table ? Moira répond depuis la cuisine, par-dessus les sifflements aigus des chaudrons et tout en sermonnant gentiment Anton pour qu’il descende de son balai. Un brouhaha sans nom. « Ce soir il y a Patricia, de l’association des jardins collectifs. Ses enfants n’ont pas pu rentrer pour Noël à cause de la grève des portoloins britanniques, je me suis dit qu’il serait vraiment dommage qu’elle fête cela toute seule… Le docteur Gahdavi, également, assez aimable pour être de la partie bien qu’il soit d’astreinte… » « Tu as invité le docteur de Papa… ?! » Il a du mal à y croire : elle a invité le médicomage en charge du dossier de leur père. Techniquement, celui qui n’a pas trouvé de remède à sa maladie. Concrètement, donc, celui qui l’a laissé mourir. Selma paraît voir venir l’orage et lui fait de grands signes des mains derrière le dos de sa mère pour qu’il laisse tomber. Il n’a de toute façon pas le temps de s’énerver que Moira lâche le nom de la dernière personne « … et Nell, bien sûr ! » avec une telle évidence qu’il en reste bouche bée ; la baguette qu’agitait Selma décide que trop, c’est trop, et une première déflagration résonne dans la cuisine, faisant sursauter Anton qui tombe de son balai miniature et renverse Mia au passage, qui se met à hurler alors que le Dr Gahdavi vient de passer la porte et que Francesco revient d’on-ne-sait-où avec des bouteilles de vin d’ortie plein les bras, Anton se met aussi à pleurer par pur réflexe et Collin, pour clôturer le tout, se joint à la fanfare en braillant à son tour des larmes de crocodiles.

Le schéma pour rattraper la catastrophe est bien rodé : chacun prend un gosse sous le bras et l’éloigne des crépitements de la cuisine, un dans la chambre, un dans la salle de bain et le troisième dehors. Déjà fou d’impatience à l’idée de devoir passer la soirée dans ce boucan, Alister claque la porte d’entrée, attrape une des fées miniatures que sa mère collectionne par essaims dans son jardin pour Noël et la colle sous le nez de Collin dans le seul but de le distraire. « Hé regarde mon grand, des papillons de lumière ! T’as vu comme c’est beau ? Waaaah, fan-tas-ti – » Il s’interrompt alors que le portillon grince sur ses gonds : Nell vient de surgir comme un chat, sans bruit, tel Merlin au féminin auréolée de dizaines de petites fées argentées. Comme par magie, Collin s’arrête immédiatement de chouiner et se met à gazouiller en tendant les bras vers Nell, preuve s’il en fallait une que les gosses de Selma sont vraiment de sales petits ingrats. Malgré tout, Alister est presque soulagé d’avoir les deux bras occupés par le monstre puisque cela lui restreint pour l’instant le casse-tête du bonjour/bonsoir/bise/accolade/étreinte. Désormais un an qu’ils ne se sont plus vus, et un mois que leurs chemins paraissent délibérément ne pas se croiser, bien qu’il entende parler d’elle partout où il va, chez Selma, chez sa mère et même au boulot, où tous les patrouilleurs semblent la connaître. Ce n’était qu’une question de temps. « Nell. » Nouveaux babillages extatiques de Collin qui se trémousse dans ses bras et paraît prêt à se jeter dans ceux de Nell, comme une traduction condensée des émotions refoulées. Il adore ce gamin mais là, tout de suite, il préférerait qu’il choisisse son camp, bordel. « Je crois que Collin a envie de te dire bonjour… ? » Et il lui passe le gamin sans plus de cérémonie, comme un poids dont on se décharge sans remords. La combinaison improbable de Nell plus du bébé dans les bras lui donne envie de hurler de rire mais il se retient de justesse avant de s’en prendre une. « Si j’étais toi j’attendrais quelques minutes avant d’entrer. Tous les gamins sont en train de chialer, Selma vient de faire exploser son chaudron et ma mère ne devrait pas tarder à profiter de la confusion pour draguer le docteur. » Désamorcer la bombe avec de l’humour. De la façon dont il est sapé, il n’a de toute façon pas le choix. « Joyeux Noël… » Sourire ironique, pendant que les fées autour d’eux estiment que le moment est parfaitement choisi pour fredonner quelques chansons : Silent night, holy night, all is calm, all is bright…
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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyDim 5 Jan 2020 - 1:39

poison paradise.


C’est en le voyant planté devant la maison qu’elle se demanda vraiment ce qu’elle faisait là. Ses parents étaient partis à Calgary pour les fêtes, où Delhia souffrait d’un mal étrange qui la contraignait à passer ses journées à ruminer du noir planquée sous un plaid depuis le mois dernier. Nell avait décliné la non-invitation de sa soeur (« je sais que tu ne viendras pas, mais Joyeux Noël, Nell ») avec plus ou moins de diplomatie, arguant une masse de travail terrible qui l’empêchait de se déplacer (« Noël est toujours la pire période, tu sais comme c’est ») quand le matin même, elle était encore en train d’ensorceler une ribambelle de dragons en papier pour qu’ils chantent l’hymne national en volant autour de la salle de pause, une tasse de café greffée à la main et les talons vissés à la table. La semaine précédente, l’invitation de Moira était tombée à la seconde où celle-ci avait appris que Nell serait seule pour le réveillon, et elle avait accepté, comme à son habitude, avant même d’y réfléchir. Le regret était venu plus tard, l’avait tenaillée avec constance depuis, et se confirma au son de sa voix. « Nell. »  Ses pieds s’immobilisèrent à quelques pas de lui, et elle resserra les pans de son manteau autour d’elle, un geste inconscient plutôt destiné à la protéger d’elle-même que du froid. Le fait de se retrouver face à lui après tout ce temps lui procura une sensation étrange. Un tressaillement anormal lui remua l’estomac. En quittant New-York, elle s’était juré de l’oublier, lui et tous les principes à la con qui l’avaient poussé à enquêter sur les activités de Bill sans se fendre de la plus petite excuse. Le mantra avait tourné sous sa caboche avec insistance, jusqu’à ce qu’elle finisse presque par y croire, la rancoeur nourrissant sa mauvaise foi à l’infini; elle lutta pourtant contre la tentation de s'avancer pour le prendre dans ses bras, relent malvenu d’une habitude qu’elle aurait préféré oublier, et que la présence gazouillante de Collin rendit de toute façon -et heureusement- caduque. L’idiote. Elle chassa l’essaim de fées qui lui tournait autour comme une nuée de moucherons de peur d’en avaler une en ouvrant la bouche. « Salut. Très sympa, ton pull. » L’ombre d’un sourire moqueur fleurit au coin de ses lèvres. Elle se félicita du ton de sa voix, très détaché, et très loin de la houle confuse qui lui tomba dessus. D’une main, elle salua le bébé, dont les petits bras potelés se tendaient au dessus du vide dans l’espoir qu’elle les lui tende en retour. « Je crois que Collin a envie de te dire bonjour… ? - Non, non non ne- » Trop tard. « Eurh. » Au moins les dix kilos bien tassés qui lui lestèrent la hanche eurent-ils le mérite de la distraire momentanément d’Alister. Ses lobes s’étirèrent dangereusement quand le bébé tira sur ses boucles d’oreilles, des doxys miniatures accoutrés de bonnets de noël, qui se mirent à brailler sous les assauts répétés de leur agresseur. « Lâche ça, qu’on aille te rendre à ta mère. Tu vas te faire mordre - aïe- - Si j’étais toi j’attendrais quelques minutes avant d’entrer. Tous les gamins sont en train de chialer, Selma vient de faire exploser son chaudron et ma mère ne devrait pas tarder à profiter de la confusion pour draguer le docteur. - (elle rit) C’est pour ça que tu te planques dehors ? - Joyeux Noël… » Sourire faiblard, tandis que la voix nasillarde des fées s’élevaient autour d’eux. How charming.

À l’intérieur régnait une joyeuse cacophonie. Les éclats de voix se répercutaient sur les murs de la pièce principale, que l’on avait imperceptiblement agrandie afin d’accueillir tout le monde. Il faisait une chaleur terrible là dedans, et ce n’était pas Anton qui allait dire le contraire, à en juger par la teinte cramoisie de ses joues. À l’instant même où elle posa un pieds à l’intérieur, une coulée verdâtre non identifiée jaillit de nulle part et lui aspergea les jambes. Mia eut un éclat de rire ravi lorsque Nell baissa les yeux vers elle, puis ramena le jouet (un immonde canari) contre son torse dans un geste possessif, sans doute trop habituée à ce qu’on le lui retire des mains en rouspétant (combien de fois avait-elle essayé de le planquer lorsqu’elle habitait sous le toit de Selma ? Ces foutus gamins le retrouvaient toujours. Elle aurait du le désintégrer). « Nell ! Oh merlin, désolée pour ça, » Selma agita sa baguette et le liquide s’évapora dans un nuage malodorant, avant de récupérer son dernier né, qui se remit instantanément à pleurer. Ils avaient un don inné pour le drame, dans cette famille. Un baiser claqua sur sa joue et le parfum floral de Selma éclipsa quelques instants les odeurs de pain d’épice. « et fais attention, je crois que je n’ai pas réussi à enlever toute la sauce qui a explosé dans la cuisine. - Nell est arrivée ? » Moira jaillit de ladite cuisine, les mains couvertes de farine. S’ensuivit une suite éprouvante d’embrassades et de nouvelles prises sur le vif entre deux braillements de bambins. « Je suis ravie de t’avoir avec nous sweetheart. (elle baissa d’un ton) Tes plants sont tout prêts, ils t’attendent dans la remise. Je te les donnerai tout à l’heure, tu m’y feras penser. » Moira eut un clin d’oeil complice. « Alister, sois gentil et débarrasse-la de son manteau. » L’embarras lui mordit le visage. « Ça va, Moira. » Elle secoua la tête, ne manqua pas, en revanche, l’infime soupir qu’il laissa échapper dans son dos. « C‘est ridicule. Je devrais même pas être là. Mais c'est toujours aussi difficile de dire non à ta mère, faut croire, » laissa-t-elle tomber à mi-voix à son intention. Vraiment, elle aurait été aussi bien seule en tête à tête avec ses disques, à siffler les dernières bouteilles de bière soutirées à un des patrouilleurs quelques semaines plus tôt. Au moins se serait-elle évité le mal de crâne qui ne tarderait pas à lui capitonner les tempes à ce rythme là.

Francesco semblait s’être donné le rôle de préposé à la débauche, envoyant sans cesse le vin d’orties remplir leurs verres avant même qu’ils aient le temps de se vider. Son habile tour de baguette trahissait la force de l’habitude et à mesure que la soirée avançait, Nell sentit sa concentration décliner. Une douce torpeur lui colmatait les synapses. Elle s’entendait rire trop souvent, buvait avec de moins en moins de retenue. Son regard allait d’un visage à l’autre, s’arrêtait toujours une seconde de trop sur celui d’Alister, assis en face d’elle. Elle remarqua malgré elle que sa descente n’avait rien à envier à la sienne - elle n’avait jamais réussi à l’emporter sur lui au cours de leurs stupides « barathons » new-yorkais. Pas une seule fois. Le plat principal fut servi et Moira et Selma menaient toujours la conversation à flux tendu, en dehors des interventions enthousiastes du Docteur Gahdavi, qui ponctuait ses questions de remarques plus ou moins pertinentes au sujet de l’état actuel de l’emploi à Castle Blacknest. « Vous par exemple. » À l’autre bout de la table, le médecin capta son attention de son regard perçant, un doigt sévère pointé dans sa direction : « Compte tenu de votre expérience, cette proposition de poste ne tient pas la route. J’estime que le Macusa devrait être capable d’offrir des positions au moins équivalentes à celles qu’avaient leurs employés dans les autres antennes du territoire. Vous étiez briseuse de sorts, à New-York, n’est-ce pas ? - Pas… vraiment, » prise de court, elle se renversa contre son dossier, consciente de l’instabilité du terrain sur lequel ils s’aventuraient. « J’étais chasseuse d’artéfacts, avant que Bill -mon patron- ne soit… euh, ne ferme la boutique. » Selma coula un regard vers elle, et Nell prit un soin particulier à ne pas croiser celui d’Alister. Le docteur poursuivit sur sa lancée, insensible à la soudaine retenue de sa vis-à-vis, dont le sourire se crispa imperceptiblement. « Comme c’est intéressant ! Pourquoi êtes-vous revenue à Castle, si ce n’est pas indiscret ? » Ça l’était. Ce fut plus fort qu’elle. Elle leva enfin les yeux vers lui, incapable de contenir son amertume. Il avait suffit d’une allusion pour que sa bonne humeur se dissolve comme un cachet d’aspirine et que le dépit revienne en courant. « Disons que je n’ai pas eu d’autre option. Et toi, Alister, » tu pourrais peut-être me le dire ? « satisfait de ta mutation ? » L’apparente placidité de son ton n’éclipsa pas totalement la tournure caustique de la question, presque banale.
Presque.
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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyMar 14 Jan 2020 - 18:41


Elle est comme dans ses souvenirs.
Son rire le ramène un an en arrière, cinq ans, dix ans, quinze ans plus tôt, à une époque où les conséquences ne paraissaient jamais exister mais où Nell finissait toujours par débarquer par le plus grand des hasards, s’installant naturellement au milieu des débris du quotidien. Et alors que Collin tire sur les doxys accrochés à ses oreilles – ah, son million de paires de boucles d’oreilles sur lesquelles il a finalement arrêté de trébucher trois mois après son départ, quand il a fait un grand ménage de printemps et retrouvé beaucoup trop d’objets qui ne lui appartenait pas… – il réalise soudainement qu’elle ne lui en veut plus. Il peut le voir, il peut le lire dans son expression détendue, vaguement amusée, et c’est un soulagement complet que de pouvoir ranger le mauvais souvenir d’une porte qui claque dans le fin fond de sa mémoire, de passer à la page suivante, et de (lâchement) faire comme si rien ne s’était jamais passé. Le temps lui a fait comprendre les raisons qu’il n’avait pas eu le temps de lui expliquer, c’est splendide, et d’une logique tellement implacable à ses yeux qu’il ne prend pas la peine d’y réfléchir à deux fois. Ils ont toujours été sur la même longueur d’ondes après tout, n’est-ce pas ?

Le verre à moitié plein, Alister se pense heureux. Oubliées, les notes lointaines de catastrophe du début de soirée, les raisons de sa présence exceptionnelle cette année, l’absence du chef de famille et les reproches non-dits de sa sœur. Le vin d’ortie fait un job exceptionnel et c’est sans doute le seul invité sincère ce soir, car au fur et à mesure que les verres leur montent à la tête, les réflexions du docteur commencent à lui taper sur les nerfs – sans compter qu’il boit autant que tout le monde alors qu’il est d’astreinte, bel exemple – et Patricia, assise à côté de lui, à deux doigts de se noyer dans sa nostalgie, le contamine dangereusement avec ses humeurs douces-amères. La pente est descendante et s’il était raisonnable, il s’arrêterait là. Mais il n’a pas entendu le rire de Nell depuis des lustres, Francesco a troqué sa vénération des gosses pour celle, moins encombrante, de l’alcool fait-maison, et il n’a jamais pu résister à l’un ou à l’autre. Il rit à une énième plaisanterie perchée de sa mère et esquive à grand peine l’amertume qui vient le gifler au même moment, lorsqu’il se souvient des répliques de son père, cent fois plus comiques, qu’il n’a plus entendues depuis longtemps et qu’il n’entendra plus que dans ses souvenirs. Pareil pour les sourires de Nell, qu’il n’est plus tout à fait sûr de pouvoir déclencher à l’avenir ; la confiance de sa sœur, enterrée en septembre dernier ; et tout un tas de regrets inavouables qu’il tente de chasser en vidant la fin de son verre d’un coup, réattaquant le plat de résistance comme s’il avait encore de l’appétit. L’intervention du docteur Gahdavi arrive comme un cheveu sur la soupe. « Compte tenu de votre expérience, cette proposition de poste ne tient pas la route. J’estime que le Macusa devrait être capable… » La fourchette d’Alister se suspend en plein vol. Qu’on évoque le Macusa à table, aucun problème. Mais que ce charlatan de docteur l’ouvre pour leur donner son opinion sur le sujet, sans qu’on lui ait rien demandé, et même sans que personne n’ait souhaité sa présence en premier lieu (sauf Moira, pour des raisons obscures)… il sent que ça commence à bouillir à petit feu. «… d’offrir des positions au moins équivalentes à celles qu’avaient leurs employés dans les autres antennes du territoire. Vous étiez briseuse de sorts, à New-York, n’est-ce pas ? » Pourquoi est-ce qu’il connaît de telles informations, lui ? Alister lance un regard exaspéré à sa mère, qui l’ignore complètement. « Pas… vraiment. J’étais chasseuse d’artéfacts, avant que Bill -mon patron- ne soit… euh, ne ferme la boutique. » Sa fourchette cogne un peu trop brutalement contre son assiette alors que toute la tablée a les yeux rivés sur Nell. Le docteur Gahdavi, visiblement incapable de la moindre empathie, met innocemment de l’huile sur le feu : « Comme c’est intéressant ! Pourquoi êtes-vous revenue à Castle, si ce n’est pas indiscret ? » Là serait le moment opportun pour qu’un gamin tombe à nouveau d’un balai ou que le sapin de Noël s’embrase pour faire diversion. Le chaudron commence sérieusement à déborder : il ne sait pas s’il est simplement en colère contre le docteur, inquiet sans raison de la réponse qu’il connaît déjà, ou bien alarmé par le regard que lui lance Nell par-dessus leurs verres (qui se remplissent au même moment, comme pour les inciter à boire et oublier cette provocation, vite). Mais il n’a pas le temps de remballer le docteur que la réplique sort comme un boomerang : « Doct… – Disons que je n’ai pas eu d’autre option. Et toi, Alister, satisfait de ta mutation ? » Wrong. Elle ne plaisante plus tout à coup. Il pensait, ou peut-être avait osé espérer, qu’elle avait oublié toute cette histoire, que l’année écoulée avait calmé le dragon, que l’eau avait coulé sous les ponts. C’était sûrement trop beau pour être vrai. Son agacement passe au degré supérieur, encouragé par la pom-pom girl en chef nommée ivresse. « Très. Satisfait. » Entre ses dents. Il attrape son verre alors que son regard gronde : ne commence pas, et s’apprête à ajouter un autre mensonge lorsque Selma marmonne, assez haut pour se faire entendre de tous : « Mouais. Eh bien au moins, l’avantage c’est qu’il peut voir à quoi ressemblent ses neveux autrement que sur des photos désormais… » Le malaise flotte malgré quelques sourires discrets autour de la table. Selma devient vite exécrable avec quelques coups dans le nez, il avait oublié ce détail. Et lui s’emporte quinze fois plus vite. Moira ne retient pas un soupir agacé, sentant la tension monter d’un cran. « Je dois m’excuser d’avoir un travail, maintenant ? – Je travaille moi aussi Al, et malgré tout ça ne me paraît pas insurmontable de prendre du temps pour ma famille. – Et qu’est-ce que tu crois que je fais, là ?! – Oh, c’est une blague. – Selma, mon cœur… » Francesco tente sans grand enthousiasme d’enterrer la conversation là. « Une blague ?! – Arrête de mentir à tout le monde, je suis sûre que tu ne te souviens même pas de la dernière fois que tu as échangé plus de trois mots avec Papa. Je me trompe ? – Mes anges, allons, allons, calmons-nous… Un peu de salade pour pousser ? Alister, va me chercher des salades au jardin s’il te plait. – Je ne sais pas où sont les putains de salade ! Et je sais très bien quand… – LANGAGE ! Pas de jurons devant les enfants, nom d’une goule ! Je te l’ai déjà dit cent fois ! – Nell, honey, montre-lui où sont les salades, tu connais le jardin. Francesco, ressert tout le monde, et puis on va aérer, il fait bien chaud là-dedans. Les enfants, vous êtes prêts pour la salade ? On devrait peut-être coucher Collin, il a l’air épuisé le pauvre chaton. » Tout le monde se lève pour débarrasser, ou sortir, ou chatouiller les enfants pour qu’ils oublient vite ce moment indigne d’un parfait réveillon de Noël, et la pause improvisée est la bienvenue pour calmer les esprits – sauf celui d’Alister, qui bouillonne de rage devant tant de reproches (fondés).

« Comme si quelqu’un avait envie de salade… » La baie vitrée claquée, il se met fébrilement à la recherche d’Ursule, le hibou de sa mère, qui dort quelque part sous la gouttière, tout en essayant sans grand succès d’organiser le réquisitoire contre Nell qui tourne en boucle dans sa tête, mélangeant tous les arguments. « Et toi… toi… » Incapable d’envoyer un patronus corporel depuis plusieurs mois – voulant surtout s’éviter la honte d’un patronus raté devant Nell – il réveille sèchement Ursule et griffonne sur un bout de parchemin qui traîne à côté de son nid avant de le forcer à prendre son envol, direction l’équipe de patrouille de garde. Le hibou décolle contre son gré, l’air extrêmement irrité. S’ils ont besoin d’un coup de main, ou même s’ils n’ont besoin de rien d’ailleurs, Alister est prêt à transplaner sur le champ. Mais pas avant d’avoir ouvert la boîte de Pandore devant Nell. « Tu réalises que j’ai pas eu de tes nouvelles depuis l’année dernière ? Que c’est ma mère qui m’a appris que t’avais accepté leur offre ici ? » Puis, sans aucune transition logique : « Tu crois que je sais pas ce qu’elle fait pousser, dans ce putain de jardin ?! Et ce que tu risques si tu te fais attraper avec ? Je pensais que t’avais compris, merde. » Qu’il n’avait fait que son job, et suivre son instinct, et qu’il était surtout loin d’imaginer qu’elle était la complice du trafic illégal de son boss, probablement depuis le début ? Chaque fois qu’elle lui avait parlé de son boulot, dans les bars, dans son lit, assis autour d’un café, d’une bièraubeurre ou d’une vodka sang-de-dragon, elle avait délibérément omis cette partie-là, un mensonge de la taille d’un magyar à pointes niché tranquillement entre eux.
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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyVen 17 Jan 2020 - 23:47

Strapped down to something that you don't understand
Don't know what you were getting yourself into
You should have known, secretly I think you knew


« Très. Satisfait. » Elle ne cilla pas. Nell connaissait trop bien ce regard, celui qu’il lui jetait toujours quand il la sentait sur le point de discuter dans le seul et unique but d’avoir le dernier mot (une sale habitude, vraiment). L’intervention de Selma mit le feu aux poudres. Elle l’avait trop souvent entendue se plaindre pour être vraiment surprise. L’absence de son frère, son indépendance grotesque, ses efforts incompréhensibles pour ne jamais être présent aux réunions familiales, quand tout ce que Nell entendait dans ses lamentations était l’incapacité pathologique de Selma de voir plus loin que le petit monde fermé de Castle Blacknest; son mari, ses gosses, sa mère, sa ville, et rien d’autre. Elle en éprouva presque un élan de pitié pour Alister, malvenu s’il en était, puisque ce foutoir était à 80% de son fait. Le pauvre docteur Gahdavi ne savait décidément pas dans quel nid de guêpes il avait mis les pieds en évoquant en toute innocence son passé professionnel. Alors que la conversation entre Selma et son frère montait dans les tours, que Moira tentait de juguler le chaos, elle le vit se tasser sur sa chaise, stupéfait par la tournure que prenait la soirée. Francesco siffla le fond de son verre, et quand elle se vit mettre à la porte pour aller chercher les maudites salades, il attrapa un gosse sous chaque bras et se mit à babiner des imbécilités avec plus d’ardeur qu’il n’en avait eu pour calmer la colère de sa femme.

L’air sentait la neige. Le froid stagnant lui éclaircit momentanément les idées et ramena un calme illusoire dans le foutoir qui y régnait. « Comme si quelqu’un avait envie de salade… » Alister fulminait, s’agitait à la recherche d’elle ne savait quoi. À travers la baie vitrée, une nouvelle crise de larmes leur parvint; Collin avait envie de tout sauf d’aller se coucher. « Et toi… toi… » Elle poussa un infime soupir et se détourna de sa contemplation morose du salon, sentant venir l’orage. Ce n’était pas comme si elle ne l’avait pas délibérément provoqué, en dépit des circonstances: il aurait été judicieux de s’abstenir, de ne pas ruiner leur réveillon pour une sale histoire qui ne concernait qu’eux et dont elle le soupçonnait de ne même pas comprendre le problème. Ursula disparut dans un hululement mécontent, et les reproches se mirent brusquement à pleuvoir, lui arrachant une exclamation étouffée: « Tu réalises que j’ai pas eu de tes nouvelles depuis l’année dernière ? Que c’est ma mère qui m’a appris que t’avais accepté leur offre ici ? » Qu’il la blâme d’avoir foutu sa soirée en l’air, passe encore, elle aurait pu le comprendre, peut-être même aurait-elle eu la décence de s’excuser. Mais ça ? Après des mois entiers à ruminer, à attendre un hibou qui ne viendrait jamais, et pourquoi y en aurait-il eu ? Ils n’avaient jamais été comme ça. Ils n’avaient jamais été quoi que ce soit, si l'on y réfléchissait bien. Des trajectoires hasardeuses qui n’avaient eu de cesse de se heurter l’une à l’autre au fil de leurs pérégrinations, entre deux périodes de silence quand l’un ou l’autre se retrouvait catapulté à l’autre bout du monde pour une période indéfinie. Tout juste se fendaient-ils d’une lettre quand ils en avaient le temps, et il aurait fallu qu’elle fasse le premier pas après qu’il lui ait fichu sa carrière en l’air ? Hell no, et elle avait été tout aussi stupide d’espérer quoi que ce soit de sa part (ça avait été plus fort qu’elle). Elle regretta un bref instant d’avoir bu autant lorsqu’une nausée qui n’avait rien à voir avec le vin d’ortie lui tordit l’estomac. « Rien ne t’a empêché d’en prendre, à ce que je sache, » marmonna-t-elle, faussement désinvolte. L’autre ne parut rien entendre, emporté dans son élan. « Tu crois que je sais pas ce qu’elle fait pousser, dans ce putain de jardin ?! - Des salades ?... - Et ce que tu risques si tu te fais attraper avec ? Je pensais que t’avais compris, merde. » Un silence estomaqué accueillit sa dernière remarque. Il avait fallu d’un rien pour l’agacer, il en fallut encore moins pour qu’elle n’explose à son tour, proprement scandalisée par la présomption de son vis-à-vis. « Ah, c’est vrai que tu m’as rendu un fier service, la dernière fois. Merci de ta prévenance. » Elle avait toujours mal supporté les sermons à sens unique, à plus forte raison lorsqu’elle savait qu’elle avait des choses à se reprocher. Le fait est qu’elle n’aurait pas eu autant de problèmes si elle n’avait pas joué à la receleuse pour le compte de Bill, allant jusqu’à voyager avec un objet magique sans autorisation, parfois après l’avoir ravi au nez et à la barbe d’un collègue. L’ivresse ne l’avait, en outre, jamais rendue plus conciliante, plutôt téméraire au point de frôler la crétinerie - et en cet instant, elle se sentait presque armée pour une confrontation qu’elle n’avait pas trouvé le courage d’engager jusque là. Ce n’était pourtant pas faute d’y avoir pensé chaque fois qu’elle l’entrapercevait au détour d’un des couloirs du Macusa. Un regard coupant, et elle se détourna, le coeur animé par un elle-ne-savait-quoi de douloureux qu’elle n’eut pas la patience d’identifier. « Mais j’y pense, c’est pas trop tard pour la dénoncer, elle aussi. Peut-être que ça te donnera ton passe-droit pour retourner à New-York, t’en penses quoi ? » jeta-t-elle par dessus son épaule.

Un savoureux mélange de honte et de colère lui obstruait la vue lorsqu’elle s’enfonça dans la jungle qu’était vraiment le jardin de Moira, ses pieds écrasant furieusement les mauvaises  herbes qui y poussaient pêle-mêle. Des jonquilles se mirent à klaxonner à son passage, des champignons à bondir, et les prunes dirigeables décolèrent de leurs plants pour s’envoler sous la coupole nocturne. Nell les dégagea de son passage et progressa d’un pas vif jusqu’au potager, le plus hétéroclite qu’il lui ait été donné de voir. Les plantes aromatiques se mêlaient aux aconits et aux géraniums dentus, protégés par des sorts destinés à garder les enfants à bonne distance de leurs mâchoires. Elle enjamba des courgettes gigantesques et entreprit de déterrer par magie une salade, pas étonnée le moins du monde que Moira ait trouvé le moyen de les faire pousser en extérieur en plein mois de décembre. Sa baguette produisit des étincelles de mauvais augure, et une rangée entière de salades jaillit du sol. « Fuck it. » Elle revint sur ses pas, les bras chargés de laitues, baissa la tête en passant sous une fleur parasol, et lui en jeta sèchement deux dans les mains. « Franchement à quoi tu t’attendais ? Tu m’as vraiment foutue dans une merde noire, et j’ai été assez c- » La fin de sa phrase mourut sur sa langue, avalée par le grincement de la baie vitrée. Elle serra les dents quand Selma passa la tête dehors. « Maman demande si vous avez trouvé ces fichues salades. » À l’évidence, oui. « On vous attend. » La sorcière darda sur eux un regard suspicieux avant de refermer derrière elle. « J’ai su que tu avais été promu, après Bill. Qu’est-ce que tu fais vraiment ici, Alister ? » demanda-t-elle après un silence pesant où elle regarda tout, sauf lui. Le prétexte officiel, d’après Moira, était son souhait de se rapprocher d’eux après le décès du patriarche. Nell n’y croyait pas une seule putain de seconde. Elle le comprenait trop bien pour se douter qu’Alister ne serait jamais revenu à Castle de son plein gré.
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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyDim 2 Fév 2020 - 0:42


décembre 2018 – new york city.
Alors que la porte d’entrée se referme, sa silhouette reste imprimée dix bonnes secondes sur sa rétine, comme un mauvais rêve dont on n’arrive pas à se sortir. Il entend ses pas qui descendent les escaliers, ou bien les imagine-t-il seulement ? et son oreille reste à l’affût du moindre signe indiquant l’impossible demi-tour alors que ses pieds s’ancrent dans la réalité comme dans des sables mouvants. Panique à bord dans le système limbique. Quand, enfin, ses yeux arrivent à se détacher de cette maudite porte, c’est pour se déporter par un réflexe morbide sur le frigidaire de la cuisine, et sur le livre noir, tout en haut, qui n’y figure plus. Il se surprend à regretter l’engueulade qui n’a pas eu lieu, quelques gifles bien placées, une violence plus physique qui aurait pu servir d’exutoire peut-être – mais ce silence-là ? Ce vide désastreux ? Clairement au-dessus de ses compétences. Il attribue à la colère ce bombardement furieux qui vient cogner jusqu’à ses tempes, refusant d’admettre qu’il n’y a peut-être pas qu’elle qui répond présente à l’appel, et repousse la peur viscérale qui monte, qui monte, et qui manque de faire basculer l’édifice à tout moment. Il mentirait s’il disait qu’il ne s’y attendait pas. Il mentirait aussi s’il avouait qu’il ne redoutait pas cet instant, depuis le début, dès l’arrestation et alors même qu’il n’avait pas levé le petit doigt les semaines la suivant. Il avait juste préféré mettre les ennuis à venir de côté et attendre que tout lui explose à la gueule, comme un bleu trop apeuré pour désarmer d’emblée l’ennemi. A quoi s’attendait-elle ? Et pire, à quoi s’attendait-il ? Des remerciements ? Zéro conséquence ? Dans quel nid de vipères avaient-ils bien pu se fourrer pour se retrouver chacun d’un côté de la barrière, sans retour en arrière possible ? Qu’un simple tuyau à un collègue en qui il avait confiance ait pu déboucher sur des inculpations sans qu’il n’ait été au courant de rien le mettait déjà hors de lui. Que ces arrestations touchent Nell n’arrangeait rien, surtout depuis le nombre d’années qu’ils se connaissaient (se fréquentaient ?) et le nombre de collègues à la brigade qui lui étaient familiers. Mais le pire était le mensonge. La honte de s’être fait rouler dans la poudre de cheminette. Un cafard absurde devant leur confiance réduite en cendres. Sa naïveté ? Le manque qui s’installe déjà, sournoisement. Inattendu. Et la terreur, mon dieu, d’avoir probablement tout gâché. En pilote automatique, Alister attrape un manteau, enfile des chaussures qui traînent et dévale les trois étages qui le séparent du monde extérieur, grisé par l’idée folle qu’elle n’a peut-être pas encore transplané et qu’il est peut-être encore temps de… de quoi, au juste ? Pour toute réponse, les températures glaciales de New York lui réservent leur meilleur comité d’accueil et se chargent de le gifler dès sa sortie. Ce réveil accidentel le déconnecte brutalement. Bien sûr qu’elle a transplané. Et bien sûr qu’il n’ira pas la chercher.
Il est incapable de faire un pas de plus. Décide, pour pardonner son orgueil estropié, qu’il laissera la neige se tasser avant de commencer à s’inquiéter. Puis il transplane en direction du Macusa, le seul endroit de la Terre où il puisse se permettre de débarquer à toute heure, se caler sur une équipe de nuit où personne ne lui posera la moindre question, et refouler tout le reste.  



décembre 2019 – la grande roseraie.
Comme deux enfants persuadés d’avoir raison, ils ne s’écoutent pas. « Ah, c’est vrai que tu m’as rendu un fier service, la dernière fois. Merci de ta prévenance. – Fallait peut-être y penser avant de sortir avec des flics. » réplique-t-il avec (ce qu’il pense être) le même degré d’ironie mordante. Il est tellement énervé qu’il dit n’importe quoi, à commencer par l’expression « sortir avec » qui ne s’applique que très, très maladroitement à leur cas, avec beaucoup trop de guillemets pour être authentique, et puis qu’est-ce qu’il lui prend de parler de flics au pluriel ? Comme s’il l’avait déjà vue avec qui que ce soit d’autre ? Comme si c’était le moment pour plonger en pleine paranoïa ? Il sent que le gradé M. Nonsense veut rejoindre la partie ce soir et regrette presque immédiatement la facilité avec laquelle il lui laisse gagner du terrain. « Mais j’y pense, c’est pas trop tard pour la dénoncer, elle aussi. Peut-être que ça te donnera ton passe-droit pour retourner à New-York, t’en penses quoi ? » Elle prend un malin plaisir à remuer le couteau dans la plaie, sachant très bien qu’ils continueront de surenchérir toute la nuit s’il le faut pour avoir le dernier mot, jusqu’à épuisement et après avoir largué bien plus de bombes que nécessaire. Et heureusement qu’elle le plante là, un peu hagard après la dose de venin qu’il vient de se prendre, car ce qu’il en pense, avec bien trop de rancune, de regrets et d’alcool dans le sang, personne n’a vraiment envie de l’entendre. Il ne peut que s’appliquer à se venger avec les moyens du bord, en l’occurrence en la reluquant de bas en haut alors qu’elle s’éloigne dans la jungle médicinale de Moira. Soupir nostalgique.

Aucune porte ne claque, et pourtant c’est assez pour ramener le souvenir de l’année précédente sur le devant de la scène. A une exception près : cette fois-ci, elle est obligée de revenir… Le jardin de Moira ne possède pas de sortie de secours, c’est une réplique exacte de celui qui envahissait tout le terrain autour de leur maison d’enfance, en pleine campagne à l’extérieur de Castle Blacknest. Il sait pertinemment qu’elle l’a juste déplacé d’une maison à une autre à l’aide d’un de ces sortilèges de botanique ultra poussé dont elle a le secret, enfreignant au passage une bonne vingtaine de lois sur les cultures et jardins, et ignore si le fait qu’elle soit passée aussi facilement par-dessus la règlementation du Macusa l’accable, ou bien le conforte simplement dans l’idée (de plus en plus récurrente) que le gouvernement est administré par des trolls. Sa mère aurait pu faire pousser une bombe médicino-magique : qui soupçonnerait cette vieille folle ? Maudissant la Terre entière et en particulier les femmes de sa vie qui se croient au-dessus des lois, il donne un coup de pied dans un nain de jardin moldu qu’il pensait inanimé mais qui, par un enchantement inutile, se met soudain à l’insulter de sa voix nasillarde puis s’éloigne en claudiquant dans un parterre de… Oh non. Elle lui avait juré qu’elle s’en était débarrassé. Maintenant il comprend mieux pourquoi Nell et sa mère s’entendent comme larrons en foire : elles devraient se réunir tous les soirs avec un chaudron de potion hallucinogène en complotant le prochain mensonge qu’elles pourraient bien servir à ce pauvre trouble-fête polluant leur vie... Avant que l’esprit de contradiction ne l’étouffe, Alister s’accroupit, arrache quelques mini champignons à chapeau chinois et les glisse dans la poche de son sweatshirt, façon kangourou, pile poil avant que Nell ne refasse son apparition, les bras chargés d’assez de salades pour nourrir une armée de veracrasses. « Why the - » Il sort les mains de ses poches juste à temps pour rattraper les deux qu’elle lui lance. « Franchement à quoi tu t’attendais ? Tu m’as vraiment foutue dans une merde noire, et j’ai été assez c- » Mais Selma coupe net son élan, revenant mettre son nez là où, comme toujours, cela ne la regarde pas. Il doit écraser entre ses doigts les boules d’icebergs pour éviter de l’envoyer bouler après son On vous attend impérieux. Comme si eux aussi, étaient des gosses à réprimander.

« J’ai su que tu avais été promu, après Bill. » C’est un fait, et pourtant à ses oreilles ça sonne comme un reproche. Par qui ? Où, comment, quels contacts a-t-elle gardé avec le Macusa et ses anciens collègues ? La méfiance est en marche. Il fait léviter toutes leurs salades réunies jusqu’à la fenêtre de la cuisine, jugeant que sa mère se débrouillera avec ça. « Qu’est-ce que tu fais vraiment ici, Alister ? – Mon père est mort. » Les mots sortent comme un réflexe, trahissant un mensonge bien rodé qu’il a répété cent fois depuis son arrivée. Il sait qu’elle le sait déjà, il sait aussi qu’elle veut connaître l’autre raison, mais dans ses rêves son père est une excuse suffisante pour qu’elle se jette dans ses bras et qu’ils oublient ce mauvais roman de mensonge et trahison. « Lui aussi, d’ailleurs, ne pouvait plus me blairer depuis qu’il s’était mis en tête que le Macusa était plus important que ma famille. Vous avez ça en commun. » Vu sous un certain angle, il peut aussi être considéré comme une victime dans cette situation… Dans son dos, il sent les regards insistants de Selma qui tente de deviner l’objet de cette conversation mystérieuse, et tente discrètement de se décaler dans l’ombre. Ils n’ont de toute façon pas plus de quelques minutes avant d’être interrompu par quelqu’un d’autre, comme toujours dans cette famille de pinailleurs. « Nell… je n’ai pas été promu à cause de Bill. C’était un tout, et ce serait arrivé avec ou sans toi. » Et il croit dur comme fer à ce mensonge blanc, en atteste le ton sec qu’il se déteste d’employer. « Et… j’ai pris des décisions stupides qui les ont encouragés à m’envoyer à l’autre bout du pays. Exactement comme toi. Isn’t that fucking ironic ? » Il voudrait en rire, et il y arrive presque avant que ce semblant de complicité s’évapore dans les airs. « Je fais quoi avec ça ? Alister ? Huit salades ?! » Il tourne la tête vers sa mère qui vient de mettre un pied dehors, saute à pieds joints sur l’occasion avant que Nell ne puisse en placer une. « Désolé. L’énervement… » L’exaspération à moitié feinte de Moira se transforme aussitôt en bienveillance. « Chacun de vous en ramènera une à la maison, sinon je vais en manger toute la semaine. Et… si je peux me permettre… » Précaution oratoire inutile car Moira se permet toujours, si possible dans les moments les plus malvenus et avec un conseil gratuit en prime. « Il faudrait vraiment que tu te libères de cette colère en sourdine, c’est vraiment malsain, sweetheart. Tu as essayé l’infusion que je t’ai donnée ? Les sortilèges souples de relaxation ? Nell en connaît un rayon là-dessus, tu sais, je suis sûre qu’elle pourrait t’aider à apaiser les tensions. » Moira se fend d’un sourire angélique, indifférente aux étincelles espiègles et sourires en coin. « Ça j’en doute pas.  – Allez, rentrez, vous allez attraper froid. – Dans cinq minutes, j’attends un hibou. – A cette heure-ci ? Il frappera à la fenêtre, ne soit pas buté. » Il se tourne vers Nell à contrecoeur, amorçant une sorte de trêve hivernale. « On rentre ? » Et alors qu’ils retrouvent la fournaise du salon, que Moira file dans la cuisine pour laver la salade et que tout le monde s’apprête à se rasseoir autour de la table sans grande volonté, il réalise avec un train de retard que cette phrase anodine, On rentre ?, est un pur réflexe d’une époque qui n’existe plus, un nom de code pour ne pas éveiller les soupçons : précisément ce qu’il lui disait à chaque fois que la soirée s’éternisait, que Mosley commençait à lui taper sur les nerfs, que le bar allait bientôt fermer, que tout le monde avait bien assez bu et qu’il n’attendait qu’une seule chose avec impatience : rentrer à la maison, peu importe laquelle, ensemble.

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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyDim 9 Fév 2020 - 19:09

« Mon père est mort. » Une effronterie tenace vint ternir l’élan de compassion qui la secoua, et Nell de songer aux brèves nouvelles glanées auprès de Mosley quelques semaines plus tôt. L’ancien collègue d’Alister s’était montré vague, prudent, presque, lorsqu’il avait évoqué sa mutation à demi-mots entre un commentaire inutile sur la météo locale et ses (futiles) projets d’avenir. Elle avait cru pouvoir compter sur sa langue bien pendue pour en savoir un peu plus, mais il s’était tenu étonnamment discret, et la suspicion avait grandi dans l’ombre, étranglant au passage tout ce qu’il y avait encore de sensé en elle. L’excuse était facile, et elle n’arrivait pas à l’accepter telle quelle, quand bien même le décès de Wendell était en soi une raison suffisante pour expliquer sa présence. En outre, elle attendait de lui une  honnêteté qu’elle n’était même pas capable de lui offrir en retour, et là résidait la plus grande ironie de  cette querelle absurde. « Lui aussi, d’ailleurs, ne pouvait plus me blairer depuis qu’il s’était mis en tête que le Macusa était plus important que ma famille. Vous avez ça en commun. - Arrête, ça n’a rien à voir, » le coupa-t-elle, froissée qu’il ramène la discussion à un problème qui n’existait pas et n’avait jamais existé. Si seulement. J’aurais préféré que ce soit aussi simple. Il persista dans ses justifications douteuses sans apporter plus de réponse, et Nell renonça à s’obstiner, consciente qu’il n’en dirait pas plus pour cette nuit. L’interruption de Moira mit de toute façon fin à l’interlude et elle les pressa de rentrer à l’intérieur (elle se demanda à qui était destiné le hibou qu’il semblait si pressé de voir revenir). « On rentre ? » La question, brève, claqua dans la nuit et lui ôta brièvement la parole. Elle coula vers lui un regard vacillant. Les souvenirs ricochèrent les uns aux autres comme un jeu de quilles, dans un bruit et un désordre remarquable qui ne manquaient pas, toutefois, d’un semblant de cohérence. Son retour à Castle, son départ de New-York, l’enceinte feutrée de son studio, l’odeur poussiéreuse des archives de Bill, les sorties inconsidérées au retour de voyage. Et partout, son air frondeur maculant sa mémoire. Catapultée des mois en arrière, elle se retrouva assise dans une petite salle obscure, les tympans malmenés par la cacophonie du concert qui se déroulait sur la scène à sa droite. Un fond de bière fadasse luisait dans le fond de son verre, et son regard, brillant d’une ivresse moelleuse, trahissait l’avancée de la soirée. Son parfum éclipsa momentanément la conversation lorsqu’il se pencha vers elle : un soubresaut familier bouscula ses côtes. On rentre ? Un sourire lui fendit la joue quand elle croisa les billes polaires dardées sur elle. Elle opina du chef en finissant sa bière. Il n’avait fallu que quelques heures avant qu’elle se pointe dans son bureau le matin même, à peine remise de son voyage en portoloin longue-distance, un rictus flagorneur suspendu à la lipe et l’intention évidente de renouer avec leurs travers d’antan. Chaque fois, c’était pareil. Les missions lui donnaient la sensation d’avoir disparu une vie entière avant qu’elle ne rentre à New-York et ne se fasse de nouveau happer par le train de vie infernal qu’ils menaient ici (une débauche constante, s’il fallait être précis). Autant de parenthèses qui s’ouvraient et se fermaient au fil d’une existence qui l’attendrait toujours, à l’instar d’Alister, dont les rencontres hasardeuses ne l’étaient en vérité pas tant que ça. Mosley fit son cinéma habituel pour les retenir, mais son entêtement ne tenait jamais la route après les verres de sang-de-dragon que Clare finissait toujours par commander pour tout le monde.
La nuit charriait un vent chaud et des odeurs de pot d’échappement. Elle était contente d’être revenue, retrouvait avec un plaisir non feint l’effervescence new-yorkaise et les nouvelles de ce qu’elle avait manqué depuis son départ livrées par Alister, au bras duquel elle chancelait plus qu’elle ne marchait. Ils rentrèrent chez elle, les récits de son séjour tombant au compte-goutte sur le chemin. Et jusqu’à ce qu’elle le fasse taire d’une façon plus qu’équivoque, pas une seule fois elle ne se résolut à citer l’autre mission pour laquelle elle était partie. Pas un mot sur la traque, le vol, les ristournes aux douanes pour revenir avec son butin illicite dans le fond de son sac, un artefact commun brandi pour couverture.
Un silence volontaire qu’elle payait aujourd’hui sans pleinement le réaliser, peinant à retrouver son engouement du début de soirée tandis que Moira tentait de les achever à grands renforts de salades et petits pains maison.

L’indolence qui s’était emparée de la tablée après le dessert (et les digestifs) avait tari le flux des conversations. Mia dormait sur les genoux de son père, qui semblait proche d’en faire autant, tandis que Patricia, animée d’une allégresse soudaine, entonnait un cantique de Noël d’une voix haut perchée. Le menton soutenu par sa paume, Nell l’observait, incapable de se défaire de l’idée désagréable qu’elle finirait par ressembler à cette vieille chouette solitaire - celle qu’on inviterait encore aux fêtes de Noël dans une trentaine d’années. Moira applaudit des deux mains lorsqu’elle eut terminé, tirant tout le monde de sa torpeur, et se leva de sa chaise en baillant. « Well, I think it’s time we all split up and go to bed. I wouldn’t spit on some rest. Oh no no, don’t bother my dear- » elle retira des mains de Patricia le plat que celle-ci avait déjà commencé à débarrasser sans faire mine de vouloir se servir de sa baguette - elle-même doutait d’arriver à exécuter le moindre enchantement dans l’état où elle se trouvait. « I’ll clean it up tomorrow. » On se leva, s’étira, rassembla les assiettes malgré l’injonction de Moira de ne toucher à rien, on se dispersa peu à peu aux quatre coins de la maison, alors qu’un ballet de vaisselle sale commençait à se diriger vers la cuisine sous la directive du Dr Gahdavi. Une fatigue prodigieuse lui scia les jambes lorsqu’elle décolla de sa chaise. Du coin de l’oeil, elle vit Alister disparaître dans la cuisine, talonnant un Francesco chancelant et une Moira encore trop énergique malgré ses dires. « Need some air. » Elle mourrait surtout de dégainer le paquet de clopes qui dormait dans la poche de son manteau depuis un moment déjà. Une allusion que Selma connaissait trop bien ; elle lui adressa un clin d’oeil entendu avant de lui emboîter le pas, leurs vestes sous le bras. Adossée à la façade de la maison, au coude à coude avec elle, Nell se surprit à repenser avec nostalgie à leurs sorties d’antan, à une époque où elles s’éclipsaient encore pour fumer dès que l’occasion se présentait, naïves au point de croire que personne ne les verrait revenir avec les yeux rougis et le rire facile. Trop éméchée pour oser allumer sa clope à l’aide de la magie, elle sortit un briquet moldu que sa voisine lui subtilisa pour embraser le bout d’une cigarette sortie de nulle part. « Hidden pocket, » fit-elle en réponse à l’interrogation silencieuse de Nell, dont les sourcils s’arquaient sur le front, un brin amusée. « Don’t tell ‘em. I’m supposed to have quit this shit years ago. I guess you’re rubbing off on me. » Elles étouffèrent un rire. Selma profita de ce tête à tête inopiné pour poser la question qui lui brûlait visiblement les lèvres depuis tout à l’heure : « What was that earlier ? In the garden ? - What do you mean ? » La fumée s’échappa de ses lèvres en un ballet langoureux. Elle voyait très bien où elle voulait en venir. « Oh come on. Don’t play dumb with me. Looked pretty much like a fight out there. » Un regard insistant, et Selma arrima un poing autoritaire à sa hanche dans une imitation frappante de sa mère. « It wasn’t. We were just… Nevermind. Doesn’t matter. » L’autre secoua la tête, nullement convaincue par la répartie faiblarde de Nell. « I pissed him off. I meant to, actually. But you seemed quite upset too. Why ? » Selma et son agaçante perspicacité. Un silence accompagna le brasillement discrets de leurs cigarettes. Il aurait été facile de se livrer à elle s’il s’était agi de quelqu’un d’autre qu’Alister. Libérateur, peut-être. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle rechignait tant à l’idée que Selma comprenne que ses rapports avec son frère avaient bien changé, ces dix dernières années, quand bien même avaient-elles dépassé depuis longtemps le stade des jalousies adolescentes (et encore, rien n’était moins sûr). « These stupid salads came out of the ground all at once, you know. » esquiva-t-elle en regardant un gnome traverser la pelouse en ricanant. Selma battit en retraite, un soupir défaitiste annonçant sa reddition. « Yeah, right. Hey, do you want to sleep over for the night ? I don’t think you’re fit to apparate anywhere without splinching. Merlin knows I’m not. - Don’t you know me better ? » qu’elle raille, à l’instant même où Ursula revenait avec une bonne heure de retard sur l’estimation d’Alister, lui évitant d’avoir à décliner l’invitation (plutôt dormir sous le pont des centaures que de subir les hurlements des gosses avant midi). Le hibou laissa tomber son parchemin à leurs pieds, estimant que sa tâche était terminée dès l’instant où quelqu’un était disponible pour recevoir le message, et tant pis si ce n’était pas le destinataire initial. Elles se regardèrent, avant que Selma ne s’en empare et entreprenne d’ouvrir la missive sans hésiter plus d’une seconde. Dévorée par une curiosité malsaine, largement partagée par sa comparse, Nell se pencha au dessus de son épaule pour lire : « Who’s this from ? - This must be a fucking joke. Night patrol ? » Nell se redressa, étonnée d’éprouver un soulagement malvenu ; à qui croyait-elle qu’il avait écrit, un peu plus tôt ? Un courant d’air chaud fit voleter ses cheveux quand la porte d’entrée claqua derrière Selma. Une nuée de fées s’enfuit en piaillant tandis que Nell restait seule dehors, soufflée par l’indignation soudaine de la sorcière. Des éclats de voix retentirent à l’intérieur, et elle se félicita de ne pas y être jusqu’à ce que, quelques minutes plus tard, Alister jaillisse de la maison en claquant la porte à son tour. Il passa devant elle sans la voir, traversant à grandes enjambées l’espace qui le séparait de la petite route menant à la maison, malmenant le portillon au passage. « Hey, wait. Can you drop me home ? Please. » Just like old times. Elle était gonflée ; il était plus d’une heure du matin, il faisait un froid de chien, et le vieux quartier se trouvait à vingt bonnes minutes de marche. Sans même parler des vacheries qu’elle lui avait jetées au visage un peu plus tôt, caustique et convaincue d’avoir raison, et à des lieues de s’excuser, évidemment. Mais Selma avait au moins raison sur une chose : elle était incapable de transplaner où que ce soit.
Elle n’attendit pas d’avoir sa réponse, rentra dire au revoir, promit de passer le lendemain pour voir les petits (et récupérer les plants que Moira avait préparés pour elle), récupéra ses affaires et le rattrapa au pas de course.

Leurs pas étaient réguliers et mornes. La ressemblance ténue avec leurs trajets nocturnes new-yorkais lui laissait un arrière-goût amer. Le silence qui les séparait, seulement brisé par le crissement provoqué par la molette de son briquet (en fin de vie), s’alourdissait de minute en minute, si bien que tout ce qu’elle aurait voulu dire et qui tournait en boucle sous son crâne était étouffé par les vagues d’irritation qui émanaient de lui et achevaient de lui saper le moral. Elle regrettait de lui avoir demandé de la raccompagner. Elle regrettait l’impression fugace d’avoir loupé le coche, voyant s’éloigner un rabibochage potentiel comme un esquif se détachant du quai. Par dessus tout, elle haïssait les contours du vieux quartier qui se dessinaient devant eux et marqueraient bientôt la fin du voyage. « That’s me. » Ses pas se stoppèrent en bas de son immeuble, au coin d’une rue mal éclairée d’où un chat efflanqué les observait, ses yeux jaunes brillants derrière un tas d’ordures. « I won’t offer you soft relaxing charms or anything, unless you want me to, » fit-elle, un demi-sourire creusant sa joue. La tentative de plaisanterie tomba à l’eau. « Thanks for walking me home. And, hum… I’m sorry ‘bout your dad. Never had the chance to tell you. » Son regard échoua sur le bout de ses pompes, dont les semelles gardaient encore les vestiges de son périple dans le jardin. Des brins d’herbe étaient restés collés à ses lacets. « Maybe I’m sorry about earlier, too. It’s just - I wish you’d warned me. » Ça lui allait bien de dire ça. L’excuse était dérisoire, Nell se gardant bien de s’absoudre de son propre mensonge. Et dans le fond, ça n’aurait rien changé, ils le savaient tous les deux ; de la même façon qu’il aurait (peut-être) été promu sans cela, elle n’aurait probablement pas arrêté ses conneries, et Bill aurait fini par se faire arrêter à un moment ou un autre, Alister ou pas. Elle releva la tête, ses yeux clairs et son charme indécent taclant ses maigres résistances, qui n’avaient jamais vraiment tenu bon face à lui. L’ivresse et les regrets ne faisant pas bon mélange, elle se vit crocheter en douceur le col de son sweat, la tentation de s’y perdre démantelée par les dernières lueurs de lucidité qui demeuraient encore. « Well. I think your crew’s waiting for you, or not, or- anyway. I’ll drop by tomorrow. » Elle se recula brusquement et tourna les talons, giflée par l’absurdité de son geste autant que par les pulsations désordonnées qui lui martelaient les tempes.
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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyMar 18 Fév 2020 - 11:40

« You look so much more like your father than you realise, honey. » La cuisine est un véritable capharnaüm de vaisselle entassée, de verres crasseux et de restes abandonnés au fond des plats, empilés à la va-vite et menaçant de dégringoler au moindre coup de coude. Malgré les réticences de Moira, la table commence à se vider de sa vieille argenterie et à s’accumuler dans la pièce d’à côté, promettant un lendemain peu attrayant mais incitant Alister à se faire la promesse d’arriver avant tout le monde pour aider sa mère à nettoyer, tout en sachant pertinemment qu’il repoussera les sonneries de son réveil jusqu’à ce qu’il soit en retard et que sa sœur le lui fasse remarquer avec un soupir à faire trembler la Terre entière. « Mum... we’re all tired, let’s not go there. » Elle l’ignore, bien sûr, déjà haut perchée dans ses souvenirs et avide de les partager avec quiconque a le malheur de se trouver au même endroit. « When I first proposed, he flat-out refused you know, pretending that his job... I still remember his exact words, God that was painful: « his job was not compatible with marriage, or family life, or anything else other than living-for-the-moment. » Contrairement à beaucoup d’histoires qu’il a déjà entendues un millier de fois, celle-ci lui paraît nouvelle, inattendue, alors il tend l’oreille malgré lui. « But, you see, we made it work. The old house in Lafayette, our first garden... we built it, tailor-made to our needs. No boxes to tick, no routine, no bullshit. » Le souvenir a une tendance amère, comme tous ceux qui impliquent son père et toutes les fois où ils auraient pu faire mieux. Moira paraît absorbée dans ses pensées, ou noyée dans le vin d’ortie, et il croit reconnaître la partition habituelle quelques kilomètres afin qu’elle n’entame le refrain – celle où elle va lui dire qu’il ne pense pas à son avenir, qu’elle pensait les avoir élevé dans l’harmonie du travail et de la famille, qu’elle voulait finir ses vieux jours entourée d’une ribambelle de petits-enfants mais qu’elle se contentera de seulement trois puisque de toute façon elle a bien dû rater quelque chose pour que sa descendance soit aussi désespérément bornée ? « We almost split up when we had you. What a nightmare. I’m sure you agree with that Francesco ? » Francesco approuve frénétiquement, la mâchoire coincée dans un petit pain au beurre. « Wendell was always away, and you were not exactly the quiet-type baby. Always rummaging through my things, wreaking havoc in the greenhouse, eating what you shouldn’t have... we both worked hard, you know, and this was a hitch we never exactly thought of.Babies can be a pain in the ass. » Elle ignore Francesco, mais cette intervention inopinée sonne comme un gong, comme la fin de la séance de médium gratuite. « No line of work is easy, my love. But do me a favor and don’t use yours as an excuse, alright? There are plenty of other fish in the s…Are you fucking kidding me ?! » Le brusque claquement de la porte d’entrée les fait tous sursauter et Selma débarque dans la cuisine avec la force d’un boulet de canon, traînant derrière elle une odeur de fumée reconnaissable entre mille et donnant à Alister une excuse en or pour ne pas s’étrangler après la dernière phrase de sa mère (what other fish in the sea…. ?!). « The first Christmas we get to spend all together in decades, you ask if your patrol needs help ? If they can answer « ASAP » with a fake emergency ?! » (If she could put his head on a stick, light it on fire and dance around it, she probably would.) « Are we boring you, Alister ?! » Au début il ne comprend rien. Ensuite, il voit la lettre qu’elle tient dans la main, reconnaît le parchemin froissé sur lequel il a griffonné trois phrases un peu plus tôt et un mauvais réflexe s’invite : au lieu de se défendre (il ne peut pas, elle l’a cramé), il l’attaque avec un calme glacial. « So you... open my mail now ? » Loin de se démonter, Selma brandit le parchemin sous son nez alors que les autres invités ne savent soudain plus où se mettre. « Answer me, would you rather be working right now than be with your family ?!  – When you’re acting like that ? Yes, definitely.Guys, come on, calm down, we were just about to end on a happy note... Francesco tente une fois de plus, et sans grand succès, de calmer les esprits échauffés. « Well go on, then ! What are you waiting for ? I’ll take care of Mum and you go and save the world, right? Night patrol my ass !Fine ! You win ! I’m out ! » Il va chercher sa veste en furie, colle une bise sur la joue de sa pauvre mère dépitée et ignore tous les autres qui par leur silence dans ce duel pathétique se sont automatiquement rangés du côté de la cadette, fille modèle à la vie bien rangée, miss Perfection Castle Blacknest indétrônable depuis quinze années d’affilée. « Don’t you dare opening my mail again Selma.Or what ? Or what ?! » La porte claque à nouveau derrière lui alors qu’il sort la capuche coincée dans son dos, s’acharne dessus parce qu’il n’y arrive pas et tente de remonter la fermeture éclair par-dessus les horribles niffleurs jouant sur son sweat-shirt tout en se battant avec le portillon d’entrée. « Hey, wait. Can you drop me home ? Please. » Le temps de la dispute, il avait presque oublié qu’elle était encore là. There are plenty of other fish in the sea. Il voudrait avoir assez d’aplomb pour répondre non, tourner les talons et transplaner dans la nuit. Après tout elle est hautement qualifiée pour se démerder toute seule, son passé de… de… criminelle lui ayant sûrement appris quelques astuces pour rentrer chez elle sans aucune aide, même en étant intoxiquée bien au-delà des limites légales, non ? Non. De toute façon elle ne lui laisse pas le choix, et il n’est pas prêt de dormir avec toutes les conversations de la soirée qui dansent, se percutent et étouffent sous leurs pas.

Il n’a aucune idée du quartier vers lequel ils se dirigent et n’y pense pas une seule seconde, trop absorbé par le désordre de ses pensées qui se livrent un combat silencieux – Selma qui décide d’ouvrir ses lettres juste pour le narguer et prolonger inutilement leur conflit de pacotille, Nell qui endort ses défenses, met ses priorités sens dessus dessous puis retourne sa veste et le laisse comme un con avec une culpabilité impossible à avouer, et enfin sa mère… Moira et son don agaçant de paraître perspicace tout en surfant sur des prémonitions dignes de feuilles de thé de l’espace, tel un horoscope en carton, assez vague pour parler à tout le monde, assez chanceux pour pincer là où ça fait mal. There are plenty of other fish in the sea. Il est persuadé qu’elle ne parlait pas de Nell. Mais elle n’a jamais connu l’existence de Sofie non plus. Alors il ne comprend rien. Est-ce qu’elle aurait recommencé à traîner du côté des charlatans du quartier des lunes ? Leurs pas s’arrêtent dans une rue qui ne ressemble à rien et bien qu’il se force à ne rien dire, son regard qui parcourt les immeubles délabrés, les pavés inégaux et les poubelles qui débordent traduit facilement pour lui : de tous les quartiers de Castle Blacknest, il fallait que tu choisisses le plus minable ? Bien sûr qu’elle s’est installée dans le vieux quartier. Pourquoi choisir une communauté qui s’entraide, fleurit ses rues et organise des concours de pain d’épices quand on peut trouver un appartement au milieu des escrocs, des vendeurs de potions à la sauvette et très certainement des boutiques d’artefacts volés ? Il est passé devant ce coin de rue un milliard de fois sans jamais savoir qu’elle était là, tout prêt, en plein milieu du terrain de jeu de la patrouille ; en plein milieu de son quotidien, invisible à l’œil nu mais omniprésente à la surface. Encore et toujours. 

« That’s me. I won’t offer you soft relaxing charms or anything, unless you want me to. » Il met beaucoup trop de temps à percuter à la plaisanterie, et si deux heures auparavant il aurait pu sauter sur l’occasion et rebondir avec humour, la marche l’a engourdi et il n’est capable de produire qu’un sourire faiblard, à peine visible tant la rue est mal éclairée. « Thanks for walking me home. And, hum… I’m sorry ‘bout your dad. Never had the chance to tell you.Thanks. » Le remerciement est maigrelet. Ils ne s’étaient pas croisés à l’enterrement tout simplement parce qu’il n’y en avait pas eu : Moira, désireuse de ne jamais rien faire comme les autres, même des obsèques, avait laissé cinq jours aux proches pour venir saluer une dernière fois le corps de son mari, puis dans une cérémonie gardée secrète n’incluant qu’elle-même et le sorcier des pompes funèbres, avait récupéré les cendres qu’elle gardait près d’une fontaine au fin fond du jardin. L’univers entier était réuni dans son jardin, finalement : la vie, la mort, beaucoup d’humour, la beauté de la nature et… un bordel sans fin. « Maybe I’m sorry about earlier, too. It’s just - I wish you’d warned me. » Il aimerait croire à une excuse authentique mais tout ce qu’il entend est : I may be sorry but, le confortant dans l’idée qu’ils sont trop loin de leur zone de confort pour leur propre bien. Ou peut-être qu’ils n’avaient jamais eu besoin de s’en éloigner jusque-là. Sa main qui attrape le coin de sa capuche en dit plus long que son semblant d’excuse, c’est tout ce qu’il a envie de retenir, c’est tout ce qui importe pour ses neurones baignant dans le vin. Ils auraient peut-être pu commencer à enterrer la hache de guerre dès le début de la soirée avec un simple geste. « Well. I think your crew’s waiting for you, or not, or- anyway. I’ll drop by tomorrow. » Mais l’instant ne dure qu’une fraction de seconde avant que Nell ne se rapproche de la porte, que leurs regards se détournent et que l’évocation des autres nuits disparaisse dans l’obscurité. Il est incapable de se souvenir de la dernière fois qu’il l’a raccompagnée chez elle sans aller plus loin que le pallier. « Actually, no. I lied. » L’audace l’a piqué. « I asked them to send me a fake emergency so I could leave early… I didn’t think I’d make it until the end of the evening. » Après l’énième dispute avec Selma, la présence de Gahdavi et les reproches à demi-mots de Nell, la soirée paraissait sans issue. « But I clearly underestimated them. They sent it too late, on the back of the same parchment and with the most useless owl in the whole country. So… it kind of added insult to injury. » Le simple souvenir de Selma verte de rage le fait piteusement sourire. Mettre sa sœur en rogne pour rien avait toujours été un hobby, et bien qu’ils se soient donnés en spectacle plus que nécessaire, ce n’était ni la première, ni la dernière fois qu’ils lavaient leur linge sale en public et concourraient tous les deux pour la palme d’or du mélodrame. « And I clearly can’t go to work like this. » Il étend les bras, tout sourire, exhibant son pull ridicule qui fait écho aux boucles d’oreille de Nell. Même thème, même partition. « Especially with what I stole from my mother’s garden while you were taking it out on the salads. » Il sort de la poche avant de son sweat la poignée de champignons cueillis dans le jardin de Moira et les fait danser sous les yeux de Nell avec un sortilège ridicule (et inconsidéré, car il aurait pu tout aussi bien les enflammer par erreur) avant de venir les déposer dans sa paume et de replier ses doigts fins au-dessus du butin, un à un, comme s’il comptait des pétales de marguerite et qu’arrivé au pouce tout serait redevenu comme avant. Les rôles se sont inversés et l’effronterie lui donne des ailes. « She makes a terrific potion out of these fun guys. Taught me a few weeks ago. You should ask her the recipe, tomorrow. » Elle a toujours aligné les Trolls en potions et il le sait très bien. Mais ils se revoient demain et c’est une perspective d’avenir assez séduisante pour qu’il oublie qu’elle veut (voulait ?) le laisser au bas de l’immeuble pour monter se coucher, que son sermon sur le potager clandestin de sa mère est devenu entièrement hypocrite après ce qu’il vient de lui donner, et – oh, les doxys accrochés à ses oreilles se décrochent la mâchoire à force de bailler, aussi inoffensifs que des chatons désormais, et Alister réalise un peu tard qu’il a perdu le fil quand il se surprend à caresser les têtes de la portée de droite, emmêlant au passage ses doigts dans les cheveux de Nell. « So you’re gonna make me walk all the way back to my sister’s? » balance-t-il innocemment. « The sofa will be just fine. Or a carpet, I don’t care. Do you still have that elderberry-and-whatever liqueur? »
Are there really any other fish in the sea?

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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyLun 24 Fév 2020 - 1:18

L’aveu aurait pu la surprendre si elle ne connaissait pas si bien les rapports en demi-teinte qu’Alister entretenait avec sa famille, et en particulier avec sa soeur. Ils ne manquaient jamais une occasion de se pouiller, en public de préférence, Selma ayant toujours eu cette fâcheuse tendance à se donner en spectacle. Ça avait eu son utilité à une époque, lorsqu’elles se faisaient recaler à l’entrée des boîtes ; combien de fois l’avait-elle vue sortir le grand jeu pour obtenir gain de cause auprès d’un videur réticent ? Si elle n’avait pas fini au Zoo, Selma aurait été une excellente comédienne. « And I clearly can’t go to work like this. » Elle lorgna son pull, porta la main à son oreille, où les doxys commençaient à se faire oublier, aussi assommés de fatigue que leur propriétaire était éméchée. « I can’t see why ?Especially with what I stole from my mother’s garden while you were taking it out on the salads. » Le ballet des minuscules champignons dansant devant ses yeux avait des allures de chorégraphie burlesque, lui faisant soudain prendre conscience de l’instabilité de sa vision (elle s’étonna de les distinguer encore). Elle tendit instinctivement la main vers eux et les regarda disparaître dans sa paume à mesure qu’Alister refermait un à un ses doigts sur le butin — elle retint son souffle jusqu’au pouce, un rictus barrant ses joues. « You can’t be serious.She makes a terrific potion out of these fun guys. Taught me a few weeks ago. You should ask her the recipe, tomorrow. » L’envie de se marrer se fondit dans la confusion lorsqu’il tendit les doigts jusqu’aux doxys suspendus à sa droite, qu’elle entendit presque ronronner d’aise. Les traîtres ployaient sous les caresses comme des arbres sous le vent et quelque chose en elle regimba, sans qu’elle se résolve à rétablir une distance confortable, répondant à la surprise de son geste par une immobilité faussement décontractée. « So you’re gonna make me walk all the way back to my sister’s? The sofa will be just fine. Or a carpet, I don’t care. Do you still have that elderberry-and-whatever liqueur? » Elle se déroba enfin, se félicitant de l’obscurité qui noyait la rue et le carmin qui lui dévorait les joues, enroula ses doigts autour de son poignet pour l’éloigner de son visage. « Alister… I don’t think it’s a good idea. » De tout point de vue, c’était même une très mauvaise idée. Mais l’évocation de la liqueur de sureau ajoutée au poids du trésor niché dans sa main acheva de la convaincre avant même qu’elle ait trouvé une parade quelconque, vouée d’avance à l’échec : elle ne l’avait jamais mis dehors. Alister trouvait toujours sa place chez elle même quand il n’y en avait pas. La reddition à venir luisait déjà dans le fond de son regard, quand bien même évoquait-elle sa réticence avec une aigreur qui, pour n’importe qui d’autre, se serait apparentée à un refus sans équivoque. « Seriously. I don’t get a fucking excuse of any kind, but I have to invite you to sleep on my couch ? You’re impossible. » Un rejet démenti par leurs mains liées, avant qu’elle retire la sienne dans un sursaut de lucidité. « Carpet it is, then. But don’t kid yourself. I’m still mad at you. »

L’entrée, exiguë, menait à un couloir minuscule au bout duquel la porte de son appartement se planquait, peinte en rouge pétant. « Liqueur’s under the counter. Elderberry-and-a-little-homemade-extraness. » fit-elle en s’effaçant devant lui pour le laisser entrer, vaguement perturbée par le fait de le voir là. La porte se refermait à peine que les premières notes s’élevaient déjà de la platine, dont elle avait machinalement replacé le diamant sur la première chanson du disque posé dessus.
À l’image de sa locataire, l’appartement respirait l’excentricité et le désordre. Les meubles, dépareillés pour la plupart, croulaient sous des objets aussi hétéroclites qu’inutiles. Les souvenirs de voyage se mêlaient aux plantes disséminées un peu partout, et des piles de bouquins s’entassaient aux quatre coins de la pièce, qui demeurait surchargée malgré les efforts de Nell pour grappiller par magie quelques mètres carré ici et là. Seule la table sur laquelle était posée son tourne-disque était épargnée par le bazar. Les tentures bigarrées suspendues aux murs contribuaient à rapetissir l’espace qui, malgré tout, arrivait à être suffisamment chaleureux pour faire oublier son emplacement. Son manteau glissa de ses épaules et elle se délesta des champignons, qu’elle plaça dans un bol où s’entassaient déjà, pêle-mêle, des fruits secs en décomposition et ses herbes séchées aux propriétés douteuses. Elle se fendit d’un tour de baguette hasardeux dans l’espoir de faire un peu de place — des parchemins sursautèrent sur le canapé, puis retombèrent à leur exacte place dans un bruissement lascif. Un infime soupir, elle abandonna l’idée et s’y laissa tomber avec la grâce d’un mufle, écrasant les dossiers au passage, trop perchée pour s’en formaliser. « Well... » Le tiroir de la table basse grinça lorsqu’elle le tira vers elle pour en extraire la boîte marquetée qu’elle avait ramenée du Caire et où elle planquait son éternelle pipe en corne de Grapcorne. « … Since we’re here, why don’t you cook these, » elle amorça un geste du menton en direction du bol où dormaient les champignons « just like Moira taught you ? Sounds fun, and now’s the perfect moment to improve your potion skills, isn’t it ? » Absolument pas, mais il était trop tard pour avoir des propos sensés ou des idées plus brillantes. Sans compter que, recette ou pas, elle ne se risquerait probablement pas à les préparer sous peine de faire exploser l’immeuble tout entier, tout décati fut-il. Elle préférait ne pas donner de raison supplémentaire à Ollerton de venir toquer à sa porte pour la menacer une fois de plus d’appeler les patrouilleurs (qu’il essaye donc — elle les connaissait tous par leurs prénoms). « There’s a foldable cauldron under the sink and you can take whatever you need on the shelves. So in the meantime, I… » Les herbes séchées traversèrent la pièce jusqu’à elle et elle reposa sa baguette sur la table basse dans l’optique de ne plus s’en servir avant le lendemain. Mesure prudente s’il en était, à en juger par la maladresse de ses gestes, quand bien même étaient-ils forgés par l’habitude. Des miettes de tabac et de plantes retombèrent sur ses genoux à mesure qu’elle réduisait le mélange en une masse compacte qu’elle avait bien l’intention de fumer jusqu’à la dernière feuille, forte de la certitude que demain, Moira réapprovisionnerait les stocks, sur le déclin. « … can prepare some of this. » Et Nell d’ajouter, pour la forme : « My couch, my rules. »

La réalité s’enfonçait dans une spirale avinée où les heures se perdaient dans une succession d’images aux bordures imprécises, incohérentes. Si Nell avait eu une once de discernement (ce qui n’était définitivement plus le cas depuis longtemps), elle aurait pu admettre qu’il était plus que l’heure de mettre un terme à ce réveillon sans fin, absurde au delà de l’entendable. La liqueur de sureau n’était plus qu'un vague souvenir, et elle était incapable de dire s’il avait finalement mis sa suggestion à exécution concernant les champignons de Moira. Il y avait bien un chaudron posé sur la table basse, entre deux verres vides et un paquet éventré de suçacides dont elle ignorait la provenance. Mais il pouvait contenir n’importe quoi (c’était bien là ce qui l’inquiétait). Une flamme dangereusement haute vint embraser le contenu de la pipe. Un tourbillon de fumée opaque s’éleva vers le plafond tandis qu’elle la lui tendait, l’interrompant dans ses propos, dont elle avait perdu le fil. En terrain connu, familier, elle avait vu les barrages sauter un à un et il lui semblait avoir retrouvé cette aisance séculaire avec laquelle ils s’étaient toujours parlé dès l’instant où ils avaient compris que Selma n’était pas la seule chose à les réunir. Sa rancune semblait s’être perdue dans la satisfaction peccante de le retrouver, de le voir simplement assis là, au bout de ce canapé qu’elle ne quittait plus que pour changer de disque. Difficile d’ignorer, toutefois, la nostalgie latente qui oeuvrait en sourdine, menaçant de la replonger dans cette mélancolie perverse à laquelle elle s’était juré de ne pas retourner. La voix rocailleuse de Wanda Jackson ramenait des souvenirs par salves désordonnées. Here I go falling down, down, down… Seuls des relents de fierté mal placée la retenaient de lui dire à quel point ces moments lui avaient manqué — lui manquaient encore. À quel point elle s’était efforcée d’oublier ce vide béant qui lui creusait les tripes depuis son départ de New-York, ou combien elle regrettait la constance avec laquelle elle avait l’habitude de le percuter au gré de ses allées et venues, avec cette ferveur inépuisable que n’importe quel imbécile aurait démêlé en un clin d’oeil. It’s such a crazy, crazy feeling- Un an plus tard, elle constatait avec effroi que rien n’avait changé. Des divagations de son esprit quand leurs regards se croisaient à l’envie de se fondre contre sa bouche chaque fois qu’une connerie passait la barrière de ses lèvres, la tentation était intacte, mais se confrontait maintenant à la morsure de son ego blessé. « You know this song’s almost sixty years old, and still a monument of no-maj music. » I get weak in the knees, my poor old head is a realin’- « Funny how some things are forgotten in a blink of an eye, while others just last forever. Songs, people… » Son ton prit une inflexion maussade contre laquelle elle crut à tort pouvoir lutter. La réserve se faisait la malle. Elle débloquait, lancée dans une diatribe aux accents de vérité honteuse qu’elle regretterait demain (si d’aventure elle s’en souvenait). « I tried so hard to forget you, you know. And now here you are, messing with my head again. » Lasting forever in my mind. I tried and I tried to run and hide, I even tried to runaway, you just can’t run from the funnel of l- Avait-elle jamais frôlé de si près une telle sincérité ? L’embarras n’était plus qu’un concept vaguement familier lorsqu’elle se redressa et amorça la chute vers son propre péril. Elle se pencha sur lui jusqu’à apercevoir l’ombre de ses pupilles comme flotter à la surface de ses iris, à la lueur de la lumière faiblarde que la seule lampe en état de marche diffusait. Son pouce traça les contours de la mâchoire d’un effleurement prudent. « You shouldn’t have stayed. » L’accord de leurs respirations croisées raviva les vices que la chair gardait en mémoire et expédia toute retenue aux oubliettes. Elle l’embrassa, et ce fut comme d’exécuter un faux pas au bord d’un précipice.
Affolant.

… it’s bound to get you someday.
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poison paradise. (nellister) Empty
Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyMar 3 Mar 2020 - 0:07

Le transplanage est une idée épouvantable. Il s’accroupit contre le muret du jardin le temps que le vertige le quitte, que l’air retrouve un semblant d’espace dans ses poumons comprimés et que les nausées se tassent au fin fond de son estomac. Son épaule droite est endolorie sans qu’il sache pourquoi. Et il a froid, bon sang. Il tente d’ouvrir sans bruit la porte d’entrée de la chaumière, mais tombe presque aussitôt nez à nez avec sa mère qui à n’en pas douter l’observait déjà de derrière la fenêtre. Déjà vu, ils ont joué et rejoué cette scène à l’infini quand il était adolescent, désormais revenir au petit matin avec les yeux explosés lui donne cette impression vertigineuse d’être un imposteur dans son propre rôle. Isn’t he too old for this shit ? « You’re… early ? We said eleven and it’s ten thir– » Moira s’arrête brusquement, fronce le nez et renifle profondément. Ses yeux écarquillés et les mèches folles qui dansent autour de son visage lui donnent un air de lapin halluciné. « You smell like…Don’t. » Il sait ce qu’il sent. Sa mère sait ce qu’il sent. Est-ce qu’ils ont vraiment besoin de le prononcer à haute voix ? « … a teahead. » Le soulagement le fait ricaner autant que l’expression, tout aussi gentiment désuète et british que l’est sa mère. Esquivant les questions à venir, il rase les murs pour s’arracher à son regard inquisiteur et se barricade finalement dans la salle de bain, à l’abri, où il réalise qu’il a gardé son manteau. Crétin. Tel un robot programmé à l’envers, il retire les vêtements qu’il a enfilés dix minutes plus tôt et leur lance un Recurvite appliqué avant de sauter sous la douche. Il a perdu son sweatshirt. Aucune idée d’où il a bien pu atterrir. Alors que la cascade d’eau lui brûle les épaules, sa mémoire déraille et rembobine le fil du vêtement égaré, tente de recoller péniblement tous les éléments bout à bout afin d’en tirer un tableau cohérent, trie méthodiquement les morceaux du puzzle, les coins, les parties de l’immeuble, les panaches de fumée qui s’échappent d’entre leurs lèvres, les motifs de la housse de couette sur laquelle ils échouent – il peut tout réassembler sans problème. Mais là où ses souvenirs sont intacts, le désarroi fait barrage. Le réveil, une faille spatio-temporelle d’une confusion sans nom, le laisse encore perplexe – un réveil s’est mis à sonner à dix heures passées, il ne se souvenait pas l’avoir programmé ni même avoir pris le temps de penser au lendemain, le même réveil qu’à New York, celui qui dormait dans le tiroir de la table de nuit et klaxonnait des airs graves d’apocalypse, le réveil qu’il laissait volontairement chez elle pour tous les matins où il était forcé de se lever à l’aube... L’anachronisme étant un détail de trop pour son cerveau grillé, il a exécuté les mêmes gestes que son fantôme des années précédentes, a appuyé par réflexe sur le bouton snooze et s’est collé à la peau de Nell pour se rendormir (dix secondes ? dix minutes ?), le nez dans ses cheveux et la main sur sa hanche dans l’espoir de grappiller encore quelques instants de cette douceur démesurée… avant que l’abomination sonne de nouveau et lui rappelle brutalement ses obligations. 25 Décembre. Oh, crap. S’il était en retard au déballage de cadeaux des morveux, il pouvait tout aussi bien être rayé de la famille Leon.

La condensation a envahi la salle de bain. Alors qu’il désembue le miroir pour attester des dégâts du manque de sommeil sur ses cernes déjà lourdes, ses yeux s’arrêtent sur une tâche violacée, un bleu de la taille d’un dragot, juste au coin de l’épaule. La porte. Ce putain d’encadrement de porte de chambre qu’il n’a pas vu, qu’il n’a même pas senti, trop occupé à… « You shouldn’t have stayed. » avait-elle soufflé, bien trop proche. Il avait réellement prévu de dormir sur le canapé. Il avait tenu ses distances. Satisfait d’une complicité qui gagnait du terrain sur les récriminations du début de soirée, il était anesthésié par le mélange de plantes digne des meilleurs druides et jacassait sans fin sur la nécessité du changement dont lui parlait sans cesse Vijay quand un nouveau disque avait entièrement redistribué les cartes. «  … because when you think about it that’s just a fact, right, they’re not misleading when they say that change is the only const- » Elle n’écoute pas, lui tend la pipe en corne de Grapcorne d’un air absent. «  You know this song’s almost sixty years old, and still a monument of no-maj music. Funny how some things are forgotten in a blink of an eye, while others just last forever. Songs, people… » Il ne serait pas surpris si elle se mettait à flotter. Tout est en suspension, y compris les notes de musique qui parviennent jusqu’à ses oreilles et dont les paroles parviennent difficilement à se frayer un chemin dans le brouillard. Il a déjà entendu ce disque, probablement, il n’était pas en l’état de l’apprécier à sa juste valeur, certainement, alors il tente de se concentrer pour mettre en sourdine le nuage confortable qui a remplacé sa tête, affalé dans ce canapé qui ravive de vieilles lubies. Can’t you see ? Nothing lasts forever. Et il est prêt à le prouver par une démonstration bidon – tout est vain à cette heure avancée de la nuit – mais elle lui coupe l’herbe sous le pied. « I tried so hard to forget you, you know. And now here you are, messing with my head again. » Sous les dix couches de torpeur qui l’ont envahi, ce virage en territoire non-dit est un coup de poing qu’il est incapable d’encaisser. Il cligne des yeux et soudain elle est beaucoup – trop – près. Son pouls s’emballe et pique un sprint alors que les pupilles de Nell sont deux soucoupes qui volent dangereusement près des siennes. Perdu entre l’accusation sortie de nulle part et l’encouragement simultané, il laisse sa main l’effleurer sans broncher, le souffle court. « You shouldn’t have stayed. » Il la déteste de lui insuffler cette idée terrible qu’il ne mérite pas les lèvres qui viennent s’accrocher aux siennes, que le désir contradictoire ne devrait pas ressurgir au milieu des négociations inachevées, que tout ça est un leurre bien organisé par les plantes de Moira et leurs souvenirs muselés ; mais pourtant tout est là, posé entre un chaudron et des verres à sec, et ils choisissent de faire pencher la balance du côté du vide, là où les contradictions coexistent en parfaite harmonie et qu’un cessez-le-feu inespéré réunit les deux camps le temps de... Il serait illusoire de penser ou de prétendre que l’un ou l’autre est en état de raisonner : ils ne font que suivre les méandres d’un labyrinthe bien trop familier. Seul un éclair de lucidité typique des pousses de Moira, bref et pinçant, lui rappelle à quel point cette obsession lui avait manqué, avant de disparaître dans la pièce d’à côté en laissant la musique tourner, la lampe allumée et les restes de tabac brûler dans leur récipient.

Il trouve une chemise dans les placards de sa mère et enfile difficilement les deux manches pendant que le salon de la chaumière reprend ses allures habituelles, les décorations de Noël en plus. Moira s’affaire dans la cuisine en lui lançant des regards furtifs par-dessus ses lunettes ; lui s’applique à laver le fiasco de la veille avec des sortilèges de nettoyage, un exercice qui lui demande assez de concentration pour qu’il oublie la confusion qui s’est emparée de ses neurones depuis sa sortie de douche – jusqu’à ce qu’il casse un verre, perturbé par Moira qui monte le son de la RITM anglaise sans crier gare, reconnaissant là une de ses chanteuses favorites. Tonight you're mine, completely. Les morceaux de verre se recollent dans un crissement. You give your love so sweetly. Ils avaient trop bu, trop fumé, trop attendu peut-être pour se retrouver et la nuit déjà bien entamée s’était chargée de leur rappeler, sournoisement. Is this a lasting treasure - or just a moment’s pleasure? Les corps s’étaient ankylosés, trop dépassés pour rejouer la scène que le cerveau projetait comme un automate – à l’image des salles obscures dont les no-maj raffolaient tant à New York, et où il avait laissé Nell le traîner plus d’une fois. Can I believe the magic of your sighs?

A l’arrivée du reste de la fratrie, la pile de cadeaux sous le sapin devient scandaleuse. « Good morning. Merry Christmas. » Les embrassades sont distantes, mais pas ouvertement hostiles, la nuit ayant saupoudré d’un peu de sagesse la dispute puérile entre Selma et son frère. Quoique, pas sûr que la sagesse soit tout à fait le mot-clé de la nuit d’Alister. « I didn’t hear you coming home, it must’ve been quite late. » Ce qu’elle veut vraiment dire est : where the hell did you sleep last night? Et cette question l’emmerde, comme à chaque fois qu’elle tente de s’immiscer dans son quotidien tordu, et encore plus depuis que ses excuses pour justifier les heures indécentes sont devenues de plus en plus grotesques (il le fait presque exprès désormais, juste pour dépasser son couvre-feu imaginaire). « I slept on Mum’s couch. » Et sa mère hausse un sourcil devant le mensonge éhonté, mais ravale sa réplique, trop heureuse de voir la paix rétablie. Le Noël parfaitement hypocrite dont elle rêvait depuis des années peut enfin débuter.

Il s’est éclipsé discrètement pour finir la vaisselle pendant que le café se termine au soleil, sous des plaids chauds, alors que les enfants s’épuisent tous seuls à tester leurs nouveaux jouets jusqu’aux limites autorisées du jardin. Tout le monde est resté étonnement sage, en atteste la seule bouteille vide qui trône sur la table – Selma a prétexté un mal de tête persistant, Alister doit cette fois réellement rejoindre les bureaux du Macusa pour seize heures, Francesco a fait le mouton et Moira s’est portée volontaire pour le reste. Les conversations n’ont tourné qu’autour des enfants, un terrain assez stable pour prévenir tout débordement mais dénué quand même de pas mal d’intérêt au bout de deux heures non stop. Il fait disparaître les dernières traces de savon, les manches relevées et les pensées égarées dans les draps de Nell lorsque sa mère fait irruption dans la cuisine, et dans sa tête : « Is Nell coming? » C’est presque un attentat à la pudeur. « … She said she would. I think. Why?I have a gift for her. I just hope she will not spend Christmas day alone, poor thing. » Un pincement de honte : il n’a pas pensé une seule fois au fait que Nell passait les fêtes loin de sa famille, trop centré sur lui-même et sa rancœur, en boucle. Et ne parlons même pas d’un cadeau… « She lives in the old district, you know. And you’ve probably been in worse neighbourhoods in New York with dark magic and sordid affairs on every corner but… I’m worried about her. You wouldn’t mind keeping an eye on her, would you? » Il y a du grabuge dans le jardin, Colin démarre un caprice en hurlant à plein poumons et Alister a l’espoir naïf d’en profiter pour esquiver une réponse, mais sa mère n’a pas bougé d’un pouce et le fixe d’un air déterminé. Il cherche un échappatoire, en vain, et pris au piège son sale caractère commence à montrer les dents. « I think she’s perfectly capable of taking care of herself, Mum.Me too. But you work in that neighbourhood, surely there’s some protection you can arr’I’m not a bodyguard.‘range so that she doesn’t get mugged by accident ? » Ils se tiennent tête comme deux mules pendant un quart de seconde avant de capituler en même temps, distraits par la sonnette d’entrée qui vient de retentir. « Honey…I’ll try. » Ça lui donnera une réelle excuse pour aller frapper à sa porte. « Alrighty then. Come in! » Et Moira se dirige vers la porte d’entrée d’un pas guilleret de sauterelle.
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Message# Sujet: Re: poison paradise. (nellister)poison paradise. (nellister) EmptyVen 6 Mar 2020 - 17:50

Une symphonie de casseroles lui étrillait les méninges et elle était à peu près certaine que quelqu’un avait ensorcelé son lit pour qu’il tourne sur lui-même, comme ces manèges ridicules que l’on trouvait dans les aires de jeu non-magiques. Elle se souvenait d’avoir fait vomir son cousin Ashley sur un de ces engins infernaux, à cette époque où Delhia et elle ne maîtrisaient encore rien de leur magie, ou si peu, et où la moindre manifestation de leurs pouvoirs arrivaient à faire hurler d’horreur leurs oncles et tantes, et de rire leurs cousins. Ça avait été plus fort qu’elle, et malgré les vociférations hystériques de sa tante, Nell avait été bien incapable d’arrêter le manège, qui virevolta sans fin jusqu’à ce que Ash se fasse éjecter de la trajectoire dans un vol plané qui aurait pu figurer dans le Guinness Records. Personne pour cesser le roulis incessant de son lit, ce matin. Et Nell de songer, bêtement, qu’elle l’avait bien cherché, d’absurdes souvenirs enfantins se mêlant aux vestiges de rêves avinés qui s’accrochaient encore à elle.
Fuck.
Un rayon de soleil sournois s’infiltra entre les rideaux à demi tirés et frappa sa peau nue.
Fuck.
Un parfum familier imprégnaient les draps et son cerveau brumeux chercha machinalement une présence inexistante à sa gauche. Ses doigts se tendirent, percutèrent le vide. Le geste, inconscient, dissipa les nuages et raviva des bribes des dernières heures. Des sensations plus que des souvenirs — le triomphe qui lui crama le myocarde lorsqu’elle le vit capituler à son tour, le bruissement de sa respiration glissant contre sa gorge, leur chute vertigineuse jusqu’à l’oubli, ces limbes amorphes qui succédaient à l’ivresse et la luxure. And she dared telling him she was still mad at him. What a fucking humbug.
Fuck. Elle se redressa prudemment et, prise de violents frissons, enfila la première fringue qui lui tomba sous la main — le sweatshirt d’Alister, qui gisait sur le sol au milieu du bordel.

Le vacarme de l’eau qui s’écoulait à gros bouillons dans la baignoire ne parvint pas à couvrir le ricanement que laissa échapper le miroir lorsqu’elle s’appuya au bord de la vasque, le coeur au bord des lèvres et le teint pâle comme de la craie. « You look like shit !Shut up. » Son reflet se déforma lorsque l’objet gondola sous l’assaut d’une nouvelle crise de rire. « Merry Christmas shithead ! » et il entonna une chanson paillarde d’une voix criarde (la seule qu’il connaissait et qu’elle le soupçonnait d’avoir empruntée au précédent locataire). Nell l’ignora, se délesta du sweat et glissa dans l’eau brûlante avec un soupir de soulagement, renonçant au repas de Noël avant même d’y penser, pas fâchée par la perspective de rester seule avec ses remous intérieurs pour aujourd’hui.

Mais une promesse était une promesse. Il était plus de quinze heures lorsqu’elle se pointa, à peine plus présentable que lorsqu’elle s’était levée. Moira l'étreignit, tout sourire, la détailla du regard en contenant visiblement une de ces remarques piquantes dont elle avait le secret. « Merry Christmas sweetie, I wasn’t sure you were coming, even if Alister said you would. You just missed him. » Difficile de dire si elle devait le regretter : l’idée de le revoir lui avait tordu l’estomac d’un malaise indescriptible depuis l’instant où elle avait mis un pied hors de chez elle. Son absence lui évitait au moins pour aujourd’hui d’avoir à se demander ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire après la nuit dernière. Y avait-il réellement quelque chose à dire ? « Sorry for being so late, I wasn’t feeling quite well this morning, actually… » Doux euphémisme. Moira eut un sourire entendu lorsqu’elle balaya l’excuse d’une remarque que Nell fut incapable de prendre autrement que comme une énième preuve que Selma ne tenait pas son flair de n’importe qui. « Don’t worry. You were not the only one, believe me. Oh, you know what, before I get the scones out of the oven, let’s go get your seedlings in the backyard. » Elle l’entraîna jusqu’à la remise du fond en lui racontant tout ce qu’elle avait manqué depuis ce matin, un joyeux bavardage qui tournait principalement autour des dernières trouvailles des gosses pour mettre la maison sens dessus dessous, pour le plus grand bonheur de Moira. Ces derniers se ruèrent vers eux, exhibant bruyamment leurs cadeaux sous le regard épuisé de Selma, qui lui adressa un signe de main avant de les rejoindre, emmitouflée dans un plaid bigarré. « You made it.With great pain, » railla-t-elle, conviant un sourire moqueur sur le visage de Selma. En enjambant un bosquet dont les clochettes rouge sang se mirent à chantonner à leur passage, Nell manqua de marcher sur une rangée de minuscules champignons aux chapeaux pointus. Un flash de la veille lui traversa l’esprit. « Moira ? Are these ?... » La sorcière fit volte-face et baissa les yeux vers les petits dômes qui sortaient du sol. Un lumineux sourire contamina son regard clair d’un éclat malicieux. « I was told you had a marvellous recipe for them. » Le rire de Moira retentit dans le jardin baigné de soleil. « You were told, huh ?I do ! I’ll write it down for you. » Elle repartit d’un pas allègre, et Selma passa son bras sous le sien : « I see you’re not over whatever’s likely to mess you up real good. » Elle ne croyait pas si bien dire, songea Nell, les pensées convolant vers le responsable de son addiction la plus confuse. « Never will. » Et son sourire ne put éclipser totalement le regret qui lui mordit le coeur au même moment.

fin.

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